Ah, la psychogénéalogie, on y revient ! Nous sommes à la fois la somme de nos ancêtres et la somme de nos expériences individuelles. Nous sommes à la fois hétitiers d’une histoire familiale, de gènes, de secrets, de traits de caractère relatifs à nos ancêtres et libres d’être qui nous voulons. Nous sommes à la fois tributaires d’un jeu de transmissions conscientes et inconscientes et maître de notre chemin de vie, de notre destin.
C’est à la croisée de ces routes que je situe la psychogénéalogie. Loin d’être magique, surnaturelle ou extraordinaire, il s’agit d’abord d’analyser son histoire familiale, d’en comprendre les tenants, les aboutissants et ensuite d’identifier et donc de résoudre d’éventuelles problématiques relatives à l’histoire de ses ancêtres, à la lumière ou à l’ombre de ce que nous vivons aujourd’hui en tant qu’individu. Plus précisément, ne vous êtes-vous jamais demandé si votre vécu, votre vie, votre situation professionnelle, affective ou autre, ne trouvaient pas un écho dans votre passé familial ?
Et si tout avait un sens ?
Un sens n’est pas forcément LE sens. Encore une fois, trouver un sens à quelque chose appartient à chacun et diffère d’un individu à l’autre. En ce sens, la psychogénéalogie est difficile à cerner, à baliser et à appliquer systématiquement. Ce n’est d’ailleurs pas le but de son utilisation. Elle n’est qu’un outil de plus dans la boîte des approches thérapeutiques disponibles. Un outil complexe, certes, mais un outil quand même. Pas une fin. La psychogénéalogie vous invite ainsi à déchiffrer les transmissions au fil des générations de votre ascendance et vous incite dans ce sens à réfléchir, à trouver des clés de lecture qui se nichent parfois dans des secrets que la mémoire familiale a pris soin, consciemment ou pas, de taire.
Des exemples ?
Les exemples sont multiples et infinis. Pour cet article, j’ai envie de parler de mon expérience personnelle. Afin d’écarter d’emblée les soupçons quant à la fiabilité des exemples cités. Ils le sont forcément puisque je les ai vécus et que j’en suis le principal acteur. Je n’en prends ici que deux.
Lorsque j’avais une quinzaine d’années, des ennuis de santé ont amené les médecins à suspecter un problème au niveau de mes poumons. Essoufflements, malaise général, me voilà embarqué pour un scanner qui ne révélera finalement rien de probant. Les symptomes, eux, persistent plusieurs mois durant. Des années plus tard, je découvre un secret de famille aux Archives départementales de la Savoie en apprenant que mon grand-père paternel a été exempté de service militaire pour cause de tuberculose pulmonaire. Aucun de ses enfants ne le savait. En interrogeant la soeur de mon grand-père, j’apprends qu’à un peu près au même âge que moi, mon grand-père contracta une tuberculose pulmonaire, qu’il fut admis au sanatorium de Saint-Hilaire-du-Touvet pour soigner la soigner pendant 7 ou 8 mois. L’équivalent de la durée de mes symptômes. Hasard ?
Mon deuxième prénom : Paul. Ma mère s’appelle Paule, mon grand-père maternel Paul, son père Paul et le père de son père Paul. Une transmission des prénoms presque fortuite car il se trouve que ma mère a tenu que je porte celui-là « simplement » parce que mon père avait tenu à donner le sien à mon frère aîné, également en deuxième prénom. Dès le début de mes recherches généalogiques, j’apprends que le premier Paul (1876-1906) se serait suicidé, d’après la mémoire familiale, après la faillite de son entreprise et en prônant « mieux vaut la mort que le déshonneur ». Or, il l’aurait fait le 26 janvier. Jour de la Sainte-Paule (qui diffère de la saint-Paul, lequel est fêté le 29 juin). Suicide qui intervient quelques mois avant la naissance de mon AGP, Paul, en avril 1906. Ma mère est, elle aussi, née en… avril. Moi qui me suis toujours senti proche de l’Algérie où a vécu ma famille pendant plusieurs générations, il se trouve que ma mère m’a eu exactement au même âge que celui de mon grand-père au moment où il quitte l’Algérie en 1962. Non sans en être complétement bouleversé. Plus encore, mon AGP fut plus ou moins abandonné par sa mère peu après sa naissance et recueilli chez sa grand-mère espagnole. La hantise du sentiment d’abandon est encore, trois générations plus tard, bien présente. Hasard ?
D’autres occurences de dates et de situations fourmillent dans l’exemple de cette lignée mais je ne souhaite pas les expliciter ici car ce n’est ni le lieu, ni l’endroit, ni même le sujet pour le faire.
Ces exemples sont tirés de mon expérience directe mais sont loin d’être les seuls !
Guérir de ses ancêtres ?
Et c’est là où ça devient intéressant. Dès lors que nous prenons connaissance et donc conscience de l’histoire de nos ancêtres, il nous est plus facile de s’en défaire après l’avoir intégré et digéré – s’il le faut. Guérir de ses ancêtres, c’est en fait comprendre les mécanismes de reproduction au fil des générations de notre famille et ensuite être libre de rompre ces mêmes mécanismes. Guérir de ses ancêtres, c’est au fond considérer que le vécu de nos aïeux (ancêtres directs mais aussi collatéraux : il faut être naïf pour dissocier les deux et imaginer sérieusement que le vécu des frères et soeurs de nos ancêtres n’aient eu aucune incidence sur le leur) peut continuer à trouver un écho dans notre vie. Il ne s’agit ni d’une fatalité, ni d’un déterminisme quelconque puisque nous sommes capables et libres de nous en défaire lorsque nous le jugeons nécessaire.
Et la science dans tout ça ?
Qu’ils soient psychologues, philosophes, généticiens, biologistes… les scientifiques sont de plus en plus nombreux à s’y intéresser. Pour celles et ceux que ça intéresse, je vous propose de découvrir cette « conférence de Nathalie Dostatni lors de la Nuit des Sciences et des Lettres (juin 2016). Nathalie Dostatni est chef de l’équipe Plasticité épigénétique et polarité de l’embryon à l’Institut Curie et professeure à l’UPMC » et qui pose la question de ce qu’est l’épigénétique.
À découvrir aussi :
- L’interview de Maureen Boigen sur le blog de Famicity,
- L’article de Pierre Roger Gamont sur l’épigénétique.
Pour aller plus loin avec votre propre généalogie
Vous pensez que la psychogénéalogie peut vous apporter des réponses sur des situations de blocage que vous vivez actuellement ? Discutons-en ensemble ! Je vous propose en effet de vous aider à identifier dans votre ascendance les potentielles problématiques, soit à partir de votre arbre généalogique déjà plus ou moins renseigné, soit en menant les recherches moi-même. Dans les deux cas, il est important de comprendre que c’est à vous de trouver (ou pas d’ailleurs) un sens. Car le vécu de vos ancêtres résonne singulièrement en vous. En ce sens, il se peut que des situations qui vont me paraître potentiellement porteuses de quelque chose se révéleront être, à vos yeux, complétement anodines. La psychogénéalogie est un outil personnel, propre à chacun, par conséquent difficilement transposable. Sachez-le.
Attention, les marques épigénétiques ne se transmettent que de la mère à l’enfant, les marques épigénétiques des gamètes mâles sont effacées lors de la fécondation.
Pour le reste, est-ce que ce n’est pas du coupage de cheveux en quatre ? Il y a des caractères presque tout autant transmissibles que les gènes : la classe sociale, l’éducation, les valeurs. Si vous avez grandit dans une cité élevés par des parents et grands-parents mal soignés, chomeurs/précaires chroniques, meurtris par la vie de génération en génération, vous n’aurez pas le même destin ni ne transmettrez les mêmes choses que si vous avez vécu dans une famille aisée. Certes, c’est transmis par les ancêtres mais ce n’est pas de la généalogie, ce ne sont pas des gènes, mais plutôt de l’ordre de la mémétique. Pour étudier ça, il faudrait comparer l’évolution d’enfants adultérins ou échangés à une maternité sans qu’aucun des deux parents ne soient au courant. Difficile. Pour découpler l’effet génétique de l’effet mémétique sur la condition des uns et des autres, il faudrait faire des analyses génétiques poussées, sans ça, donner corps à la psychogénéalogie est hautement hasardeux.
Bonsoir Thomas,
Déjà merci pour l’intérêt porté à mon article. Non, l’épigénétique concerne aussi les pères (cf. http://www.sciencesetavenir.fr/sante/grossesse/20160517.OBS0654/epigenetique-l-environnement-du-pere-influence-aussi-ses-enfants.html ou encore cet article de l’INSERM : http://www.inserm.fr/thematiques/genetique-genomique-et-bioinformatique/dossiers-d-information/epigenetique).
Le reste de votre commentaire est en réalité un enfoncement de portes ouvertes. Evidemment que l’éducation, le contexte socio-économique et familial dans lequel nous naissons, grandissons et vivons influencent notre vie, nos traits de caractère, notre personnalité et même nos études et nos choix. En sociologie, on appelle ça le déterminisme social. Toutefois, il ne s’agit pas de mimétisme, mais de reproduction sociale, qui obéit à un schéma particulier qui n’est pas exactement le même que celui du mimétisme. En revanche, il n’est aucunement question de cela ici : je parle bien de transgénérationnel et en fait, je ne cherche pas à convaincre puisque c’est prouvé scientifiquement (cf. étude sur les souris et la transmission du stress).
Toutefois, je vous le concède, on peut ergoter sur le terme de psychogénéalogie, largement dévoyé et utilisé à tort et à travers.