Lignée Poizat : de la lumière et quelques ombres

Et si nous revenions à la généalogie ? Aujourd’hui, je vous propose de partir dans le Lyon du XIXe siècle et d’étudier la trajectoire familiale des Poizat, en particulier par le prisme des recensements annuels de population, source précieuse vous allez comprendre pourquoi.

Gabriel Poizat (1) naît dans la capitale des Gaules le 18 septembre 1794. Quatrième d’une fratrie de cinq enfants, il est en effet la première génération à y naître, alors que ses parents, Jean Etienne et Marguerite Champagnon, étaient originaires des environs de Lyon, respectivement de Chaponost et de Charnay. Le 15 octobre 1814, Gabriel et Marie Pierrette Guilloud se marient. Lui est fabricant d’étoffes de soie, et les deux habitent la rue Confort, dans le 2e arrondissement de Lyon.

La première trace du couple, je la retrouve au recensement annuel de 1815, au 8 de la rue Bourchanin, toujours dans le 2e arrondissement. Locataires au 2e étage, ils sont parents depuis le 10 août de la même année et la naissance de leur premier enfant, Jean Claude, mon ancêtre. Le recensement a donc été fait après août 1815. Pas de changement en 1816. En 1817, un ouvrier habite avec la petite famille et une observation : Unis (PAS) (2).

En 1818, si la situation reste inchangée aux yeux du recensement annuel, il se trouve en réalité que le couple a eu un deuxième enfant, Claude François, né le 30 janvier et mort seulement quelques heures plus tard, le 1er février.

En 1819, la famille est introuvable au 8 de la rue Bourchanin et pour cause, elle a déménagé au 9 de la rue des prêtres, dans le 5e arrondissement de Lyon, au premier étage. Rien ne change jusqu’en 1821 où, de nouveau, un ouvrier rejoint le ménage.

Intérieur d’un atelier de canut, Musées Gadagne (c) : http://www.gadagne.musees.lyon.fr/index.php/histoire_fr/Histoire/Musee-d-histoire-de-Lyon. Mes ancêtres rhôdaniens ont migré à Lyon au moment de l’industrialisation. Canuts, ils l’ont été sur plusieurs générations.

Un mariage révélateur

Le 9 mai 1822, Gabriel est témoin au mariage de Jean Claude Page et Anne Marie Guilloud, où il est décrit comme étant « neveu de l’épouse », même si l’acte ne précise qu’il s’agit du neveu par alliance puisqu’Anne Marie Guilloud n’est autre que la tante maternelle de sa femme. C’est justement grâce à cet acte que nous avons su que le couple Poizat avait déménagé rue des prêtres. Mais un détail attire mon attention : alors que sur l’acte de mariage, le conjoint Page est déclaré « fabricant d’étoffes » rue Bourchanin, sur le recensement annuel, au numéro 6, il se déclare « écrivain ». Dans le même temps, au 3 de la place de l’hôpital, le même Jean Claude Page tient une boutique en tant que « revendeur d’eau de vie ». Le recensement précise : « Boutique adossée à l’église de l’hôpital, habite rue Bourchanin n°6 ». Et cette situation, nous la retrouvons à l’identique dans les recensements de 1820 et 1821. En 1819, la boutique est occupée par un Pelletier, « revendeur d’eau de vie », et qui habite, lui, rue Confort. La même année, Page habite déjà au 6 de la rue Bourchanin et se dit « écrivain ». Ainsi, nous savons grâce aux recensements annuels quand Page reprend l’affaire de Pelletier, à quelques mois près.

Ouvrier de la soie… Dans l’attente de mieux ?

Mais revenons à Gabriel. Jusqu’en 1828, il occupe toujours le premier étage du 9 de la rue des prêtres avec sa femme, son fils et un ouvrier. En 1829, c’est désormais « Dlle Cochard dite Marianne », journalière, qui y  habite . Où sont donc passés Gabriel et sa petite famille ? Jetons un œil à la rue Bourchanin. Bonne pioche ! La famille réside désormais au 3e étage du 6 de la rue Bourchanin… Un étage au-dessus de l’écrivain Page !

Toujours ouvriers de la soie, leur situation ne va cependant pas tarder à changer puisqu’en 1830, Gabriel est désormais « revendeur vinaigrier » avec « échoppe sur place de l’hôpital ». Jean Claude Page vit toujours au-dessous en tant qu’écrivain. On imagine donc que l’oncle par alliance a proposé à Gabriel de reprendre son affaire, l’heure de la retraite approchant à grands pas.

Jusqu’en 1833, rien ne change si ce n’est l’absence de Page au 6 de la rue Bourchanin. En 1834, veuf de sa femme, Page vit de nouveau au 6, mais au 3e étage (sans doute le logement qu’occupaient Gabriel et sa famille jusqu’à présent) alors que Gabriel, lui, est maintenant au 1er étage, toujours « revendeur d’eau de vie ». Dans ce recensement, Page est alors désigné comme étant « petit rentier » et « vieillard octogénaire ». C’est la dernière trace de lui puisqu’il décède le 31 mai 1835 : le recensement annuel a donc été établi après le mois de mai dans la mesure où Page n’apparaît plus. Aucun changement en 1836, ni en 1837 quoique c’est la dernière année où Jean Claude Poizat vit avec ses parents, puisqu’il se marie le 2 juin 1838 avec Jeanne Antoinette Dubessy.

Voici la rue du Bourchanin, aujourd’hui Bellecordière, où a habité pendant des décennies mes ancêtres Poizat avec l’hôtel Dieu à proximité. L’échoppe se trouvait au bout de la rue, « adossée à l’église ». Source : Google Street View.

La lumière amène l’ombre !

Jusqu’ici, tout était relativement limpide. Après leur mariage, en juillet 1839, Jean Claude et Jeanne Antoinette donnent naissance à leur premier enfant, une fille, Jacqueline Gabrielle. Jean Claude est ouvrier bijoutier et vit au 8 de la rue Bourchanin. En 1842, alors que le recensement annuel ne précise pas les membres du ménage, le couple et un enfant habite au 8. Or, le 22 septembre 1841, naît Antoine Marie Poizat, leur deuxième enfant. Ainsi, en dépit du fait que je ne retrouve pas le décès de Jacqueline Gabrielle dans les registres de Lyon, il y a de fortes chances pour qu’elle soit décédée en bas âge. À partir de 1844, 4 individus habitent désormais l’appartement, avec l’arrivée au monde de mon ancêtre Joseph Claude, le 4 mai.

En 1846, chose étrange, la famille n’est plus visible rue Bourchanin dans le recensement annuel alors que nous la retrouvons dans le recensement quinquennal (consultable via les Archives départementales), qui précise, lui, la composition du ménage. Ainsi, Jean Claude Poizat vit au 6 (et non plus au 8) avec… son fils Joseph Claude uniquement. Où sont passés sa femme et son premier fils ? Le 9 mars 1848, je sais que mon ancêtre Jean Claude décède. Il n’est alors âgé que de 32 ans. Par acquis de conscience, je vérifie en 1851, année du recensement quinquennal, qui vit à la rue du Bourchanin. Jusque-là, Gabriel et sa femme y vivaient sans interruption.  Eh bien, le flair était bon : le couple est toujours présent, lui toujours « marchand de vin », avec échoppe pas très loin. En plus de sa femme, je retrouve… « Claudius » Poizat, « orphelin ». S’agirait-il de mon ancêtre Joseph Claude ? Peu de place pour le doute. Mais alors, que sont devenus sa mère et son frère ?

Après la mort de son père, Joseph Claude, appelé ici « Claudius » vit chez ses grands-parents paternels. Il est dit « orphelin ». Source : AD Lyon.

Faire des détours pour arriver au but

Jusqu’ici, le mystère planait. M’a alors pris l’idée de jeter un œil aux Poizat qui se marient à Lyon. Grâce à la possibilité d’une recherche nominative sur le site des archives municipales de Lyon, je tombe sur celui d’Antoine Marie, le fils aîné, en 1864. Et quelle ne fut pas ma surprise. Je n’avais jamais trouvé son acte de naissance. Pour cause, il n’est pas né à Lyon mais à Oullins. Ni une ni deux, je m’empresse d’aller consulter son acte de naissance et j’apprends qu’il naît en fait chez ses grands-parents maternels, qui habitent la petite commune. Premier réflexe : consulter le recensement de 1846. Peut-être y trouverais-je des indices. Nouvelle bonne pioche : Antoine, « petit-fils », vit bien avec ses grands-parents. Alors, l’énigme n’est que partiellement résolue : où est la mère ?

En 1851, je n’ai toujours pas trouvé trace d’Antoine à Oullins. Ni de Jeanne Antoinette Dubessy. Cette dernière meurt peu de temps après le 27 juin 1852… à Mascara, en Algérie. Vu que mon ancêtre Joseph Claude est dit « orphelin », il est très peu probable que la mère soit partie avec ses enfants. Comme au moment du décès de son mari, elle a aussi 32 ans au moment où elle rend l’âme, « au domicile de M. Philippi, restaurateur ». Elle est dit « épouse de Jean Claude Poizat », alors qu’elle est veuve… Qu’a-t-elle été faire en Algérie ?

Comment Jeanne Antoinette Dubessy s’est-elle retrouvée en Algérie ?

Ironie du sort…

Ou pas, me direz-vous. Quelques années plus tard, en 1861, à 17 ans à peine, Joseph Claude s’engage dans l’armée et se retrouve dans les 2e Zouaves. Devinez où il est alors domicilié… Mascara en effet. Ville où il se marie 7 ans plus tard, en 1868. Est-il parti sur les traces de sa mère ? Pour l’heure, je ne le sais toujours pas. Sur le reste de la descendance, ceci est une autre histoire.

Trouvaille de dernière minute

En rédigeant ce billet (étalé sur deux semaines), l’idée m’a pris d’aller fouiner sur Filae un éventuel décès de la lignée Dubessy. Le père de Jeanne Antoinette est en effet voyageur de commerce et a apparemment beaucoup bougé. Je n’ai jamais réussi à trouver son acte de décès. Eh bien, le 1er avril 1858, à 9h40, mon ancêtre est mort à Livourne, en Toscane. De quoi donner quelques idées de roman…

Partir de Lyon et se retrouver à Livourne…. Source : https://www.getyourguide.fr/livourne-l427/

Notes & Sources

(1) : Retrouvez mon #RDVAncestral consacré à Gabriel ici. Depuis sa rédaction, je sais que Gabriel est mort le 31 décembre 1871 à Lyon.

(2) Dans de nombreux recensements annuels, est indiqué le type de métier utilisé par les ouvriers de la soie. Ici, mon ancêtre fabriquait du tissu uni. Tulle, crêpe, ou encre gaze, pas moins de 11 types de métier sont renseignés.

Sources consultées : AM de Lyon ; AD du Rhône ; ANOM.

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