En voilà une question intéressante. La généalogie génétique, tout le monde commence à en parler mais de quoi s’agit-il ? Outre l’argument médical et judiciaire, la loi française ne permet pas de mener des recherches génétiques, et encore moins à des fins généalogiques. Pour autant, d’autres pays comme l’Angleterre, les Etats-Unis ou encore la Suisse, autorisent la recherche génétique et plusieurs sociétés commerciales vous proposent de savoir si vos ancêtres étaient Vikings, Celtes, Germains… Présenté comme ça, c’est alléchant, avouez que c’est classe de se dire que Ragnar Lothbrok est votre numéro Sosa je ne sais pas combien.

Outre l’intérêt de la recherche, on vous propose ensuite la publication de vos résultats dans une base de données, à laquelle vous avez par ailleurs accès, afin de vous permettre de vous mettre en relation avec vos cousins aussi testés.

Bien sûr, n’est pas descendant de Celtes qui veut, le test génétique a un coût : comptez plusieurs centaines d’euros. Contre quoi vous recevez une sorte de coton tige avec lequel vous recueillez un échantillon de votre salive – en mode Les Experts oui, c’est un peu ça. Ensuite, vous renvoyez le test à la société par laquelle vous êtes passée et vous attendez les résultats.

Bon, pour l’heure, je suis toujours réservé quant à l’intérêt véritable de ces tests : je ne dis pas que la généalogie génétique n’a pas d’intérêt, bien au contraire, je pense même que c’est l’avenir et que ça ouvre des perspectives vraiment essentielles à la pratique future de la généalogie mais pas sans encadrement stricte de la loi. Savoir que mon ADN sera ensuite la propriété en quelque sorte d’une société commerciale ne m’enchante pas. Alors oui le packaging est sympathique : grâce à la base de données constituée, vous retrouvez un cousin au Mexique – du moins, en théorie. En attendant, qui sait ce que deviendront les études ADN dans 10, 15, 20 ans ? Sans tomber dans la paranoïa, mais pour le coup, analyser son ADN expose également toute votre famille – ascendants et descendants – : ce n’est donc pas seulement un acte personnel.

Bien que cela m’intéresse vraiment beaucoup, je ne suis pas encore suffisamment rassuré sur l’utilisation des données recueillies et il me semble qu’un cadre légal, éthique et moral – rien que ça – doit vraiment être posé pour permettre de mener des recherches génétiques au service de la généalogie.

À ce propos, je vous renvoie à l’excellent Généalogie et génétique de Jean Chaline, aux éditions Ellipses.

Jamais. La généalogie ne s’arrête jamais. Merci, à demain. Action, réaction. Question courte, réponse courte.

Quoi ? Non mais c’est vrai, ça ne s’arrête jamais la généalogie. Ou si vous préférez c’est vous qui décidez de quand ça s’arrête. Mais étant donné que vous êtes passionné par la vie de vos ancêtres et qu’au fur et à mesure que vous déroulez la pelote de vos aïeux, vous tombez sur des surprises comme une lignée en Bretagne, une autre partie en Argentine ou encore une lignée anoblie, vous voudrez toujours en savoir plus.

Je crois que le crédo du généalogiste peut se résumer un peu comme ça : « toujours en savoir plus ». Une soif insatiable et c’est bien normal. Certes, à un moment, vous serez bloqué par les vides archivistiques. Et alors ? Vous terminez une lignée, non seulement vous en avez quatre à compléter mais même celle que vous croyez avoir bouclé, dans un mois ou un an, vous tomberez sur une nouvelle piste de recherche à laquelle vous n’aviez pas pensé ou pas accès jusque-là et c’est reparti.

Maintenant, si la routine s’installe, que la lassitude prend le pas sur le plaisir de rechercher, si vous ne comprenez plus pourquoi vous passez une heure à chercher dans les tables décennales une naissance introuvable, alors oui, votre relation avec la généalogie bat de l’aile : faire une pause vous permettra peut-être de vous réconcilier avec votre discipline préférée – il n’existe pas encore de conseillers conjugaux dans ce domaine. Si la flamme ne revient jamais – sortez les mouchoirs – il faudra alors faire le deuil de votre loupe, vos papiers gribouillés et votre capacité à meubler les repas de famille en racontant l’histoire de cousin Hub et là… et là c’est vraiment triste !

Plus on est de fous, plus on rit, vous connaissez ce dicton ? En généalogie, ça peut parfois être le cas aussi. Partager sa généalogie permet déjà de valoriser ses recherches, les mettre en forme et peut répondre au besoin de transmettre ses informations avec d’autres, que ce soient des gens de votre famille proche, éloignée (l’arbre en ligne peut par exemple intéresser votre cousine qui habite aux Etats-Unis) ou bien de parfaits inconnus, parce que oui, aussi dingue que cela vous paraisse jeunes généalogistes, vos recherches peuvent intéresser !

Partager sa généalogie illustre donc la volonté de transmettre notre histoire familiale à d’autres. Sur le papier, c’est génial. Dans les faits, il ne s’agit pas non plus de tout partager : je ne suis pas certain que raconter tous les secrets de famille sur votre blog soit très pertinent : bon, après vous faites ce que vous voulez, disons que c’est à l’appréciation de chacun-e. Si ce n’est qu’il existe quand même un cadre légal, en particulier pour la publication de photos issues d’archives privées : bien se renseigner avant de partir bille en tête dans la publication de données sur Internet.

L’autre intérêt de partager sa généalogie réside dans le fait qu’en le faisant, vous vous offrez l’opportunité de retrouver des cousins que vous ignoriez : que ce soit via votre arbre en ligne ou via votre blog, vous n’êtes pas à l’abri de recevoir un message d’un cousin ou d’un membre de votre famille que vous ne connaissiez pas. Avouez que c’est tentant. De ce premier contact, peuvent découler des échanges riches et fructueux : la généalogie comme vecteur de lien social, je vous l’ai déjà dit les copains, la généalogie c’est génial !

Enfin, partager sa généalogie peut être l’occasion pour vous de valoriser l’histoire de vos ancêtres à travers l’écriture, le dessin ou je ne sais quel autre vecteur. Dans ce cas, on rejoint l’idée de transmission mais en dépassant le cadre strict de la généalogie : cette dernière devient finalement un prétexte et vous permet d’emmener vos recherches très loin : il ne s’agit pas de partir dans des projets de publication de livres ou de réalisation de films sur vos ancêtres – et pourquoi pas après tout ? – mais bien de réfléchir sur l’ancrage dans le présent de votre travail de généalogiste. En partageant votre généalogie, vous pourrez donner des astuces ou des conseils de recherche qui serviront certainement à d’autres – si, si, je vous assure.

Pour résumer, avec le développement des nouvelles technologies et notamment Internet, partager sa généalogie est devenu presque naturel à tous les généanautes. Cela peut servir à

  • Transmettre vos recherches,
  • Favoriser le lien social,
  • Valoriser votre travail généalogique.

Soyez simplement conscients qu’Internet est un espace public et qu’il convient de ne pas publier tout et n’importe quoi ou du moins, qu’il existe des règles, parmi lesquelles une essentielle : le bon sens !

Organiser sa généalogie ? Ben écoutez, on l’a déjà évoqué, et malgré le fait que je sois réfractaire à tout type d’obligation, je suis forcé de reconnaître qu’être organisé, c’est quand même mieux. Surtout en généalogie. À moins que vous ayez une mémoire défiant toute concurrence et que vous avez la capacité fabuleuse de tout retenir, l’organisation reste un de vos meilleurs alliés et trouve sa place entre la patience et la rigueur.

Non sérieux vous verrez au fil de tes recherches que classer vos documents n’est pas qu’une question de maniaquerie, c’est aussi essentiel à la réflexion et aux recherches que vous êtes en train de mener. Bien que tout soit numérique, j’ai personnellement besoin de formaliser mes recherches sur papier – c’est mon côté old school – donc je vous laisse imaginer la liasse que je peux accumuler sur mon bureau, qui ressemble à un chantier organisé – en apparence on appelle ça un bordel – mais je ne suis pas certain d’être une référence dans le domaine.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, chacun s’organise comme il veut, le but étant de ne pas mener trois fois le même type de recherche, s’étonner à chaque fois de vos découvertes alors qu’il y a 6 mois, vous vous émerveilliez déjà face à l’acte de mariage de votre grand-oncle du Finistère… à la longue, vous allez vite tourner en rond comme un poisson rouge et sa mémoire de 5 secondes. Avouez que c’est dommage.

Si vous souhaitez en faire votre métier, vous imaginez bien que c’est encore plus problématique ou alors c’est une bonne astuce d’escroquerie : toujours découvrir les mêmes choses pour votre client et facturer à chaque fois… Ne vous emballez pas, la supercherie sera très vite découverte avec votre tarif horaire qui jette sur vous le souci d’exemplarité et d’irréprochabilité. Et c’est bien normal !

Pour ma part, j’adopte une organisation chronologique : à chaque recherche que je mène, je date et détaille l’objet de ma recherche. L’avantage, c’est que je peux retrouver quand, pourquoi et comment j’ai effectué telle recherche ; l’inconvénient, c’est que dans ma paperasse, il est difficile de retrouver la lignée que j’ai étudiée d’un coup d’œil : un code couleur pourrait venir pallier ce souci mais pour l’instant je n’ai pas de problème majeur à déplorer.

Enfin, non seulement par un souci d’organisation mais aussi par un souci de rigueur, je note systématiquement les références et les cotes exactes des documents et archives que je consulte : lorsque je suis aux Archives Départementales, je conserve le reçu de ma demande ; mais lorsque j’effectue des recherches en ligne, je les inscris directement dans mon logiciel de généalogie. Ce qui me permet de ne pas passer une heure à retrouver, dans un registre d’état civil de 900 vues, l’acte en question. Précision : pour encore plus de rigueur scientifique – employons les grands mots – il convient, quand cela est possible, de référencer votre archive avec le numéro de folio, et non la vue, cette dernière pouvant fluctuer selon la numérisation effectuée.

Mais là, on dépasse la seule question de l’organisation et si vous voulez qu’on parle de la citation des sources, je serai plus rigide – n’a pas une formation historique qui veut hein – c’est vraiment obligé, indispensable et non négociable. Et au-delà d’une rigidité formelle, vous verrez quand vous tomberez sur un arbre en ligne qui mentionne le décès d’un de vos aïeux que vous cherchez depuis un an et que vous ne trouverez aucune citation de source : vous maudirez la personne qui a publié son arbre et la harcèlerez via la messagerie du site pour lui extirper l’information, qu’elle n’aura sans doute pas l’ayant elle-même recopié sur un autre arbre – oui, je suis mauvaise langue, et ?

Déjà, pourquoi je me mets à employer le québécois pour poser des questions ? Remarquez, ça me permet de souligner l’activité de tous les généalogistes francophones, au Canada mais pas que, qui enrichissent la communauté des généablogueurs. Vous ne vous y attendiez pas à cette dédicace, hein ? oui, je sais, je suis imprévisible.

Bon revenons à la question : le passé c’est le passé, certes. Et je parie même que le présent c’est le présent, et je m’aventurerais presque à affirmer que le futur c’est… ok, j’arrête. Mon grand-père pied-noir prononce souvent cette expression Li fet met – c’est mon pseudo sur Généanet, c’est fou les hasards de la vie – qui signifie « Le passé n’est plus. »

Ce que j’ai du mal à comprendre, c’est la juxtaposition entre le fait de s’intéresser au passé et le fait de renvoyer cet intérêt à un champ lexical morbide voir même relatif au spiritisme : déterrer le passé comme si on violait une tombe. Eh, moi je ne fais que de la généalogie. Mon but n’est ni de déterrer qui que ce soit, ni de foutre une pagaille dans la famille. Vous me direz, si vous avez un tempérament taquin, c’est toujours « amusant » de lancer un pavé dans la mare dans une réunion de famille : « vous saviez que le cousin Francis avait soutenu Vichy ? », non, ça ne se voit jamais ça, si ? Bon, avec ça, ne vous étonnez pas si plus personne ne vous parle au sein de votre cellule familiale. Non pas qu’il faille cacher ou taire des secrets de famille, non, pas du tout même, mais comme disait l’ami Brel, sur un autre sujet, « y’a la manière » (Fernand, non pas votre aïeul, c’est le titre de la chanson que je viens de citer).

Donc, la question que vous pouvez poser c’est, à quoi ça sert la généalogie ? Là, j’en conclus que vous vous foutez de moi, donc je vous renvoie au premier article du Challenge.

Plus sérieusement, ils sont nombreux celles et ceux qui considèrent qu’après tout, le passé c’est le passé, et qu’il ne faut jamais chercher à savoir. Mais cette attitude ne renvoie-t-elle pas à l’idée de l’arbre qui cache la forêt ? Pourquoi avoir une telle crainte de découvrir des choses gênantes ? Là, je vous renvoie à la lettre G, hop hop hop, on ne discute pas !

Puis faire de la généalogie, je parle en tout cas pour moi, ce n’est pas vouloir à tout prix découvrir des secrets de famille. Là, je reconnais qu’il y a un côté un peu morbide : chercher à tout prix des événements fâcheux, honteux ou pas très reluisants n’a pas de sens. Mais vous pensez vraiment qu’il y a beaucoup de généalogistes animés par cette motivation ? C’est une vraie question, pas une formule de rhétorique.

Tout ça pour dire que je ne veux rien déterrer du tout, je veux simplement comprendre celles et ceux qui ont contribué, de par leur vie, leurs caractères, leurs mystères aussi, à faire que je suis là aujourd’hui. Le passé reste le passé mais quand il vient éclairer le présent ou qu’il vous permet de mieux envisager le futur, le passé devient un atout majeur et profondément ancré dans l’instant t, toi le partisan du carpe diem. C’est exactement le même motif qui a fait que j’ai choisi des études d’histoire. Si vous ne connaissez pas votre passé, comment prétendre vivre correctement ? Imaginez un arbre dont les racines seraient le passé, le tronc son présent, et ses feuilles ou fruits son futur. Si vous coupez l’arbre à ses racines, du moins si vous déconnectez les racines du tronc et donc des branches, que se passe-t-il ? Allez, je vous laisse sur cette parole profonde emplie de poésie en vous invitant à revenir demain !

Quelle frustration plus grande que d’avoir sous les yeux des photos sans pouvoir, sans être capable de mettre un ou des noms sur le ou les visages que l’on voit ?

Tout généalogiste un jour est confronté à ce genre de situation. Il existe quand même des petits trucs, des petites astuces, pour deviner ou pour tenter de déchiffrer qui est sur la photo en question. Une tenue militaire par exemple peut vraiment vous mettre sur la piste de l’individu en question : son numéro de régiment, généralement sur le col de son uniforme, vous permettra déjà d’avoir un indice sérieux, sous réserve que vous épluchiez les registres matricules de vos ancêtres. Ensuite, le contexte et le lieu de la prise de photo, soit directement sur la photo, soit au verso, indiquant peut-être le nom d’un photographe et le lieu de son cabinet.

Parfois, s’il s’agit d’une photo de famille, regardez le nombre d’enfants, essayez de procéder par élimination et peut-être arriverez-vous à déduire qui se trouve sur la photo. Pour les femmes en revanche, malheureuses qu’elles sont encore une fois, c’est plus compliqué. Référez-vous aussi à des membres de votre famille ou de l’entourage proche de votre famille susceptibles de connaître l’identité des personnes inconnues que vous avez sous les yeux.

Sans rire, le déchiffrage de photos, ça peut être parfois du sport et beaucoup de boulot !

Pour vous, rien que pour vous, un exemple concret.

Etienne Brunet

Etienne Brunet (1834-1879)

Jacques Joseph Brunet

Jacques Joseph Brunet (1846-1891)

Quoi ? Encore les frères Brunet ? Yes, mon copain ! Bon, nous avons donc deux photos, du moins, la première est en réalité un ferrotype. La mémoire familiale retient bien qu’il s’agit là des deux frères Brunet, le premier, Etienne, devant être celui en tenue militaire, mais très rapidement, un doute m’est apparu. Grâce aux archives familiales, je sais que Joseph a servi dans les 11e Dragons entre 1866 et 1873. En recherchant sur Internet, j’ai pu me rendre compte que la tenue militaire correspond effectivement à celle que porte l’individu sur la photo. De plus, au verso, la mention du photographe : Eymin, exerçant à Vienne, en Isère. Or, au début des années 1870 et grâce à la presse en ligne, je sais que le 11e Dragons est en garnison dans cette ville après la guerre de 1870. Ainsi, j’en conclus que cette photo représente Jacques Joseph Brunet, certainement aux alentours de 1873 lorsqu’il termine son service. Par déduction, Etienne est donc l’autre. Pour la datation en revanche, cela est plus compliqué mais je m’aventure à dater ce ferrotype au début des années 1870. Vous le voyez ici, il y a eu confusion dans la mémoire familiale : c’est pourquoi, autant que faire se peut, il convient toujours de recouper les informations et de questionner systématiquement ce qui paraît ou ce qui est considéré comme évident !

Malgré tous les efforts possibles et imaginables, il est parfois difficile voire impossible de mettre des noms sur des visages. Là, pour le coup, la frustration est grande.

Sûrement une mère et sa fille, branche cousine de ma famille maternelle en Algérie.

Sûrement une mère et sa fille, branche cousine de ma famille maternelle en Algérie.

 

Et voilà, fallait bien que vous en fassiez une de bourde ! La généalogie, c’est toujours pareil… Combien de généalogistes ont dû être froissés en lisant ça… En gros, la généalogie ça fait chier quoi, c’est ça que vous voulez dire ? Je ne vais pas faire de réponse longue car se justifier trop signifie qu’au fond vous n’auriez pas tort. Insolents !

Allez, asseyez-vous, je vais essayer de vous prouver que la généalogie, ce n’est pas toujours la même chose. Bien au contraire. Vous remarquerez qu’on dit souvent ça de l’histoire aussi. Pas la mienne, non, l’histoire, la discipline historique quoi. Pourtant, la généalogie comme l’histoire sont des matières on ne peut plus interdisciplinaires en vérité. Sérieusement, vous avez à boire et à manger en généalogie : vous pouvez faire de l’histoire sociale, de l’histoire immobilière, de l’histoire des populations, de l’histoire économique, philosophique… (en gros, l’histoire de tout ce que vous voulez), de la paléographie (venez déchiffrer des actes médiévaux en latin rédigés en pattes de mouche… venez donc voir !), de la cartographie (de la plus basique à la plus complexe), de la psychologie, de la sociologie, des mathématiques (du moins des statistiques), de l’art (ben oui, si votre truc c’est de dessiner des arbres stylisés tout ça tout ça…), bref, je crois que vous avez compris le truc. En entrant dans la vie de vos ancêtres, vous pouvez choisir d’axer vos recherches sur tous les aspects possibles et imaginables que vous avez en tête.

Puis, par définition, comme chacun de vos ancêtres est différent (au moins dans les 5, 6 premières générations), potentiellement vous avez des centaines de biographies à explorer donc ce n’est jamais la même chose. L’oncle parti faire la guerre de 14, l’autre qui n’est jamais revenu de la guerre de 1870, la grand-mère partie se marier à 500 kilomètres de chez elle, le cousin parti en Argentine, l’autre engagé dans les ordres. Comment pouvez-vous penser que la généalogie soit toujours la même chose ?

Après, bien sûr, les recherches peuvent se ressembler : l’état civil reste l’état civil mais vous n’êtes jamais à l’abri d’une mention marginale intéressante, ne soyez pas si pessimistes et démotivés !

En revanche, si vous trouvez, si vous avez le sentiment, si vous sentez que pour vous la généalogie c’est toujours la même chose, c’est peut-être que tout simplement ce n’est pas votre truc. Et ça, c’est comme les goûts et les couleurs : ça ne se discute pas.

Je vous vois venir, petits malins ! L’année dernière, je consacrais mon Challenge à l’histoire d’Etienne Brunet, mon grand oncle parti en Californie en 1858, rejoint par son frère cadet en 1874. Et je consacrais notamment ma lettre K à la mort d’Etienne en l’intitulant killed by a cave.

[Petit résumé très très condensé pour celles et ceux qui n’ont pas suivi l’année dernière : parti de Saint-Sorlin-d’Arves en 1858 pour la Californie, Etienne Brunet cherche de l’or non loin d’un petit village qui s’appelle La Grange, dans le comté de Stanislaus. Rejoint par son petit frère Joseph en 1874, il décède dans sa mine, killed by a cave – tué dans un éboulement, en juillet 1879. J’écris depuis quelques mois un livre sur son histoire extraordinaire en m’appuyant notamment sur les lettres qu’il a écrites à sa famille dans les années 1860 et au début des années 1870.]

« Tu recycles, tu n’as pas d’inspiration… »

Calmons-nous ! Le but n’est pas de répéter ce que vous savez déjà, évidemment, mais justement de découvrir ce qu’il y a de nouveau dans mes recherches depuis juin 2015. Et Dieu sait que de sacrées découvertes ont été faites depuis.

Surtout du côté de son frère Joseph, en fait. Donc rentrons dans le vif du sujet en trois points clés, classés chronologiquement et par ordre de découverte : son dossier de succession (merci Diane !), sa mort (merci persévérance !), son dossier militaire (merci Isabelle !).

  • Un dossier de succession très riche

C’est justement lors du Challenge 2015 que Diane découvre l’histoire d’Etienne et me propose d’effectuer des recherches sur les deux frères lors de sa virée dans l’Utah à la Bibliothèque familiale des Mormons. Bien entendu, j’accepte calmement la proposition…

Rendez-vous pris à l’automne 2015. Diane commence d’emblée par me dénicher le dossier de succession de Joseph : 68 pages. Autant vous dire que c’est à ce moment que je me suis mis à baver sur mon clavier, ne sachant plus où donner de la tête tant le dossier est prometteur. J’y trouve notamment un appel aux créanciers, qui, vous l’imaginez, se sont précipités pour réclamer leur dû – si, si, attendez de voir le point clé numéro 2 avant de dire que j’extrapole – des factures de toute sorte dont une émanant du croquemort, qui nous propulse dans l’univers d’Undertaker – comment ça vous ne connaissez pas Undertaker ?

J’ai été surpris de constater le nombre de possessions qu’a Joseph au moment de sa mort, ce qui contraste quelque peu avec l’image que j’avais d’Etienne. En gros, je pense que l’aîné a ouvert la porte au cadet et je ne peux m’empêcher de penser à Etienne quand je lis le dossier de succession de son frère. Malheureusement, en 1878, les successions ne se réglaient pas aussi formellement qu’en 1891 donc aucune chance de retrouver quoique ce soit sur la succession d’Etienne. Toutefois, j’ose espérer que Joseph ait pu récupérer l’argent et les possessions éventuelles de son aîné puisqu’à cette date, il est déjà en Californie depuis environ 4 ans.

  • Une mort qui fait écho à celle d’Etienne

Début janvier 2016, après des mois de recherches infructueuses, je trouve ENFIN la mort de Joseph dans la presse locale californienne. C’était à peu près la mille et unième fois que j’interrogeais le système de recherche par mots-clés et un éclair m’est venu en ce début d’année 2016 – le champagne du 31, vous dites ? – : la mémoire familiale retient que Joseph, comme son frère, est mort par accident. Alors que je m’entêtais à chercher dans la base de données avec des « Joseph », « Brunet », « accident », j’essaye une autre tentative en partant d’un principe simple : je sais grâce au dossier de succession qu’il est mort à Merced le 1er août 1891. S’il est mort par accident, il doit forcément y avoir quelque chose. Alors je fais une recherche avancée dans la presse du 1er au 5 août 1891 en tapant simplement « Merced » : Bingo !

San Francisco Call du 2 août 1891, mention du décès de Joseph Brunet en 1891. Source : http://cdnc.ucr.edu

San Francisco Call du 2 août 1891, mention du décès de Joseph Brunet en 1891. Source : http://cdnc.ucr.edu/

Traduction :

[Ligne 1] Il se brise la nuque.

[l.2] Un cultivateur chute fatalement dans un vieux

[l.3] puits.

[l.4] Merced, 1 août. – L’édition spéciale du Sun de Snelling de

[l.5] ce jour énonce : Un homme

[l.6] connu sous le nom de « Joe le Français », en train de travailler avec un

[l.7] groupe de cultivateurs du ranch de Olds & Barfields,

[l.8] a trouvé la mort ce matin de la manière

[l.9] suivante : quelque chose n’allait pas

[l.10] avec la machine, et Joe, après avoir fait les

[l.11] réparations nécessaires, a basculé en arrière,

[l.12] tombant dans un vieux puits de 100 pieds de profondeur, se brisant

[l.13] la nuque. La fortune de Joe est estimée à environ

[l.14] 10,000 dollars. Il avait environ 40 ans et

[l.15] n’était pas marié.

Tu m’étonnes que j’ai eu du mal à le retrouver, d’autant que j’ai beaucoup de chance en fait : c’est le San Francisco Call qui reprend un article du Sun de Snelling, ce dernier titre n’étant pas numérisé dans le fonds du CDNC.

Etienne est mort enseveli dans sa mine, dans sa 45ème année. Joseph, lui, se brise la nuque en tombant dans un puits, aussi dans sa 45ème année. Il y a parfois des coïncidences frappantes. Il était appelé Joe le Français : là encore, ça ajoute à la dimension et à l’univers western que je ne cesse de développer dans mon imaginaire quand je pense à l’histoire extraordinaire des deux frères. Enfin, l’article mentionne, presque de manière anodine, qu’il laisse une fortune de 10,000$ qui correspond, aujourd’hui, à près de 600,000$… Vous comprenez mieux les vautours autour de sa mort maintenant ? Sur les 10,000$, 3,000 arriveront à Saint-Sorlin-d’Arves : ce sont ses trois sœurs qui en hériteront. La mémoire familiale n’a, à ce sujet, absolument rien retenu.

  • Un dossier militaire qui questionne

Dans le cadre de mon DU de Généalogie familiale, j’ai eu la chance de pouvoir consulter, grâce à Isabelle – une collègue de DU, le dossier militaire de Joseph, qui se trouve à Vincennes au Service Historique de la Défense (SHD) – dites SHD ça fait plus classe dans la conversation, faut toujours parler en acronyme quand vous pouvez ! J’y ai fait quelques belles découvertes : déjà, avant d’être dans le 11e régiment de Dragons, il était engagé dans le 5e régiment de Chasseurs. Il est arrivé au 11e le 8 février 1868 soit presqu’un an jour pour jour après qu’ait débuté son service militaire. Ensuite, attention grosse révélation…. vous sentez le suspens… Joseph a été « fait prisonnier de guerre à la capitulation de Metz le 29 octobre 1870, rentré des prisons de l’ennemi le 18 juin 1871, [promu] dragon 1e classe le 21 janvier 1872, brigadier le 25 avril 1872 et cassé et remis Dragon de 2e classe le 3 avril 1873. »

Que de révélations en effet, la mémoire familiale ayant totalement occulté le volet « prisonnier de guerre » : je vois désormais Joseph sous un autre jour, connaissant l’histoire de la guerre de 1870 et notamment le siège de Metz… Le fait qu’il ait été cassé et repassé en dragon 2e classe indique qu’il a dû y avoir une “embrouille” avec ses supérieurs, brigadier étant plus un titre honorifique qu’un grade. Vu la date, pourrait-on penser que Joseph n’a pas forcément bien pris l’instauration du principe de réserve, lui qui sert dans l’armée française depuis déjà 1867 ? Il ne reçoit pas de certificat de bonne conduite et est libéré de son service le 31 décembre 1873. Moins d’un an après, il s’embarque pour la Californie et ne revient jamais. J’y vois donc – peut-être à tort – un lien de cause à effet entre la fin de son service et son départ, bien qu’Etienne souhaite que son cadet le rejoigne depuis déjà le milieu des années 1860. Enfin, dernier point un peu mystérieux pour moi : le surnom de Joseph, Milaison.  Pour le coup, mes recherches n’ont rien donné et je n’ai absolument aucune idée d’où ce surnom peut-il provenir et quel peut en être l’origine.

Voilà chers amis, et je devance votre prochaine réflexion : quel rapport avec la question de ton article ? J’y viens, doucement ! Tout ça pour dire donc, à l’image de mes recherches sur deux grands oncles partis en Californie dans la seconde moitié du XIXe siècle, qu’il peut exister en généalogie, des sortes d’obsessions, au sens positif du terme. Je veux dire par là qu’au gré de vos recherches, vous tomberez peut-être, sûrement même, sur un ou une ancêtre qui vous marquera et qui trouvera en vous une résonnance toute particulière. Pour Etienne, cela a commencé lorsque j’ai retrouvé ses lettres dans les archives familiales, envoyées depuis la Californie. Depuis, pas une semaine, ou presque, ne passe sans que j’effectue une recherche à son sujet. En cela, la généalogie peut et doit même virer à l’obsession.  On y retourne ?

Mais non, mes enfants, du moins tout dépend de votre blocage ! En généalogie, nul blocage n’est a priori insoluble. Ou presque.

Allez, trois types de blocage pour vous, c’est cadeau !

  • Le blocage naturel

« Je suis remonté à l’an mil mais je suis maintenant bloqué »… hé, ho, vous ne croyiez pas pouvoir remonter à la Grèce antique quand même !

Le blocage naturel, c’est le blocage inhérent aux lacunes archivistiques. Ben oui, si vous n’avez plus d’archives à consulter, forcément, ça devient très compliqué. En général, il est relativement accessible – je généralise – de remonter jusqu’au XVIIe siècle, notamment avec les registres paroissiaux. Pour ma part, en Maurienne, je remonte jusqu’aux années 1600 et même jusqu’à la fin du XVIe siècle. Après, si ancêtres nobles vous avez – appelez-moi Yoda – vous pouvez espérer remonter plus loin. Toutefois, le généalogiste n’a pas forcément vocation à faire la course aux générations : si le blocage des lignées est une réalité, le blocage des recherches n’existe pas : vous aurez toujours quelque chose à chercher. Un contrat de mariage, un testament, un acte de vente… les ressources sont pour le coup tellement vastes et variées qu’on ne se sent – normalement – jamais véritablement bloqué dans ses recherches. Si tel est le cas, demandez conseil à un généalogiste professionnel par exemple, il pourra vous donner des pistes !

  • Le blocage subi

Ce que j’appelle blocage subi, c’est un blocage dans votre généalogie mais un blocage pour lequel il existe des solutions que vous ne pouvez pas mettre en pratique. Des archives qui ne sont pas numérisées et que vous localisez à 500 kilomètres de chez vous… J’imagine bien que vous n’allez pas poser un jour de repos pour faire l’aller-retour. Si ? Pour autant, le blocage n’en est pas vraiment un. Tournez-vous dans ce cas vers un généalogiste professionnel – encore, et oui ! -, vers une association de généalogie locale ou encore vers un forum d’entraide : en mandatant quelqu’un, vous pourrez avancer dans vos recherches, au moins dans les grandes lignes.

  • Le blocage insoluble

Voilà, oui, en effet, il existe un type de blocage dit insoluble mais avant de se sentir vaincu, assurez-vous d’avoir épuisé toutes les possibilités de recherche qui s’offraient à vous. La mémoire familiale retient qu’un de vos ancêtres s’est suicidé mais vous ne trouvez aucune preuve d’un tel acte : la presse locale ne dit pas mot sur la cause du décès, son registre matricule non plus, pas plus que l’acte de décès. Comment savoir ? Dans le cas présent, il est en effet difficile d’en avoir l’assurance. Des indices peuvent toutefois conforter – ou pas d’ailleurs – la mémoire familiale : « il se serait suicidé après avoir fait faillite et en clamant “mieux vaut la mort que le déshonneur” », bon, dans ce cas, cherchez une éventuelle déclaration de faillite parfois mentionnée dans la presse locale. Si vous vous apercevez que l’individu en question a fait faillite un mois avant de mourir par exemple, il y a des chances pour que la mémoire familiale restitue la véracité des faits. Mais restez prudent !

Il y a le cas aussi des enfants naturels : qui est le père ? N’est-ce pas frustrant de contempler un arbre avec un pan entier vide ? Mais la frustration fait parfois aussi partie de la vie du généalogiste. Là encore, selon l’époque où se trouve votre « enfant naturel », des possibilités s’offrent à vous : consulter un recensement de population permet parfois de cerner qui vivait avec la fille-mère avant la grossesse en question. Si elle est domestique dans une maison et que cinq ans plus tard, elle n’y est plus… vous tenez peut-être une piste. Si l’enfant naturel naît dans l’Ancien Régime, vous pourrez peut-être consulter une éventuelle déclaration de grossesse, c’est là l’archive idéale que vous pouvez trouver sur votre chemin. Si rien n’aboutit, il ne vous reste plus qu’à accepter le fait de ne pas savoir. Lorsqu’une ancêtre relativement proche de nous a été fille-mère, la mémoire familiale retient généralement son histoire et la transmet : là encore, attention aux mémoires forcément remodelées, qu’elles soient positives ou négatives. L’ultime blocage insoluble enfin, c’est le cas d’archives inexistantes parce que détruites. Mais même dans ce cas, il existe toujours une petite piste à explorer, si mince soit-elle. Si, si, cherchez un peu !

Pour conclure et surtout pour répondre à la question : ce n’est non seulement pas grave mais je dirais même que c’est parfois très stimulant : la généalogie n’est pas un long fleuve tranquille et heureusement, chaque histoire familiale est différente – La Palice je te kiffe – et apporte son lot de particularités, de difficultés et… de mystère-s !

Dernier conseil en la matière : n’hésitez jamais à revenir vers un blocage quelques mois voire quelques années après. N’hésitez jamais à reconsulter des archives que vous avez déjà parcourues : parfois, il n’est pas impossible de laisser passer un indice ou un détail pouvant débloquer toute une lignée !

Résignation n’est pas généalogie, [lâcher de micro, clap, clap, rideau !]

Ne soyez pas tant assis sur vos certitudes jeunes imprudent-e-s ! Mais non, la généalogie ne rime pas avec la solitude. Avec l’avènement d’Internet, on entend cette petite musique de toutes parts, y compris au sein de la communauté généalogique « désormais, on est seul derrière son écran »…

Je précise au passage que lorsque vous vous rendez aux Archives Départementales, mis à part dire bonjour au-à la président-e de salle et, tout au plus, sortir une blague au magasinier ou à votre voisin de recherche… vous ne serez pas beaucoup moins seul derrière votre écran que face à votre registre !

Bref, je ne chipote pas, Internet permet effectivement de chercher à n’importe quelle heure du jour et de la nuit et au rythme qu’on le souhaite. Mais c’est bien ça, non ? Rien ne vous empêche à côté d’adhérer à l’association locale de généalogie (il y en a forcément, ne faites pas cette tête) : vous sortirez déjà de l’isolement que vous décriez, en devenant par exemple bénévole de l’asso ou même en échangeant avec les membres de l’association, souvent expérimentés et chaleureux.

Ensuite, qui dit Internet, dit… dit… réseaux sociaux ! Et là, je vous sens tout intrigués : après avoir cherché seul derrière votre écran, ou tout en cherchant seul – vous y tenez à votre solitude… – derrière son écran, il est possible de partager et d’échanger avec la communauté de généalogistes en ligne ! Via Twitter notamment, mais aussi Facebook ou forums spécialisés et d’entraide, vous avez donc la possibilité de partager vos recherches, demander conseil à des dizaines de milliers de personnes aussi passionnées que vous. Ah, la magie d’Internet !

Enfin, après avoir effectué vos recherches, vous allez vous empresser d’appeler untel ou unetelle pour lui balancer à la tête tous vos talents de généalogiste en herbe. Et vous aurez bien raison, la généalogie en tant que lien social, qui l’aurait cru en débutant la lecture de ce billet ? Je ne vous parle même pas du cousin éloigné que vous retrouverez grâce à Facebook et qui vous donnera le numéro d’une vieille tante du Lot que vous n’oserez pas appeler dans un premier temps ! Je ne vous parle pas non plus de tous les contacts que vous nouerez au fil du temps et au gré de vos recherches qui vous feront ressentir que la généalogie rime avant tout avec richesse humaine et richesse tout court d’ailleurs.

Donc… c’est là le dénouement de ma démonstration : généalogie rime avec tout sauf avec solitude ! Je ne nie pas qu’il existe peut-être des généalogistes recroquevillés sur leurs recherches et ne souhaitant ni partager, ni échanger, ni même parler de leurs recherches, libre à eux (je pense quand même qu’ils se comptent sur les doigts d’une main ceux-là) mais dans ce cas, l’intérêt de la généalogie et ce qu’elle peut leur apporter m’échappe quelque peu…