En septembre, je partais sur les traces des Chaix et je mentionnais notamment l’étude de Gabriel Pérouse sur Saint-Sorlin-d’Arves, village d’origine de mes ancêtres paternels, qui citait mon ancêtre André Chaix (n° Sosa 2048), à ce jour le plus lointain que j’ai avéré en lignée directe. Pérouse explique en effet que cet André a trois enfants, deux garçons et une fille. Claude, l’aîné des deux garçons, était notaire ; l’autre, Jacques, était syndic. Je descends pour ma part de Claude, qui a eu 7 enfants. Voici alors ce que j’écrivais :

 Si l’archiviste précise que l’un des enfants de Claude est prêtre, je n’en trouve pour l’instant aucune trace.”

Au fil de mes recherches – je travaille en ce moment sur le tabellion du bureau de Saint-Jean-de-Maurienne, je suis tombé, dans le répertoire des actes de 1709, sur le mariage de deux de mes ancêtres arvins : Joseph Ruaz et Jeanne Arnaud (n°264 et 265) : ça tombe bien, je n’avais pas relevé le mariage dans les registres paroissiaux. Content de ma découverte, je m’empresse d’aller consulter l’acte notarié au folio indiqué. Je commence à lire l’acte et je lis que Joseph est assisté de son père et du “Révérend Messire Humbert Chaix prêtre”. Ni une, ni deux, je m’occupe d’aller vérifier si un Humbert ne figure pas dans les enfants de Claude Chaix. Et il se trouve que si. Jusqu’ici, je n’ai pas la preuve formelle qu’il s’agit bien du même individu mais en revenant à l’acte je me rends compte qu’en lisant rapidement, j’ai oublié un détail essentiel : Humbert Chaix est l’oncle de Joseph Ruaz. Vu la différence de patronyme, j’en déduis que la mère de Joseph – que je ne connaissais pas jusque là car l’acte notarié, comme dans les registres paroissiaux, n’évoque que le père – porte forcément le patronyme Chaix. Dans la fratrie Chaix, j’ai justement un mariage en 1670 d’une des filles, Sébastienne, mais en notant l’acte dans les registres paroissiaux à l’époque, je n’avais pas réussi à déchiffrer le patronyme. Je me déêche alors de vérifier à nouveau et là, surprise : le patronyme que je n’avais pas déchiffré est bien celui de Ruaz ! Sébastienne Chaix est donc bien la mère de Joseph Ruaz, donc la soeur d’Humbert et de mon aïeul en lignée directe Sorlin (n°512).

Les choses se confirment donc. Sur les 7 enfants, seuls trois garçons : Bernard, l’aîné, que je suppose être mort en bas âge même si je n’ai pas retrouvé encore sa sépulture ; Sorlin, mon ancêtre ; et Humbert. Chez les filles, Marie, mariée à un Arnaud ; Dominique, morte à un an ; Sébastienne, mariée à un Ruaz et dont je suis descendant aussi du coup ; et Catherine, mariée à un Milliex et dont je suis également descendant. L’implexe est logiquement élevé à ce niveau de ma généalogie dans la mesure où il s’agit d’un très petit village de quelques centaines d’âmes à peine. Mis à part Bernard, j’ai donc presque finalisé l’étude biographique de chacun-e des membres de la fratrie.

Une carrière de prêtre

J’ai dans un premier temps été étonné de lire le titre de révérend : aujourd’hui, on continue de parler de révérend chez les protestants et encore. En fait, rien d’anormal : le révérend désignait à l’époque un ministre de culte. Mais alors, où a-t-il exercé ? Abandonnant mon acte de mariage, je pars en quête de nouveaux éléments. Afin de gagner du temps, j’entreprends tout de suite de chercher dans la bibliothèque généalogique de Généanet et les recherches se montrent très vite fructueuses : le Révérend Chaix aurait exercé, de 1682 à 1688 à La Table, commune du canton actuel de Montmélian, à environ 70 kilomètres de Saint-Sorlin. Réflexe : je retourne à mes AD de la Savoie en ligne et cherche dans les registres paroissiaux du village en question et je tombe sans mal sur la signature d’Humbert.

Première signature d’Humbert Chaix au bas de la première page du registre paroissial de 1682. Source : AD de la Savoie en ligne, 3E 338, folio 90, vue 93/518.

Humbert est né le 16 juillet 1649 à Saint-Sorlin-d’Arves. Destiné à la prêtrise, il a bien fallu qu’il étudie : ce sera le sujet principal de mes prochaines recherches. Tenter de déterminer où a-t-il étudié. Pour l’heure, je pense au collège Lambertin de Saint-Jean-de-Maurienne mais après tout, pourquoi pas Turin, alors capitale du duché de Savoie à l’époque ? Dans le tabellion, j’ai vu passer des contrats d’entrée en religion de femmes parties s’établir là-bas alors sait-on jamais.

Au hasard d’une recherche, j’ai donc éclairé une petite zone d’ombre dans une branche qui n’était même pas concernée au départ, du moins que je ne pensais pas être concernée. Prenez bien le temps de lire les actes que vous consultez, soyez attentifs à tous les détails. Avec un peu de chance, vous arriverez sûrement à faire de petites découvertes comme celle-ci.

#RDVAncestral n°7 – Antecessor Illustris

18 mars, 17h40. Le ciel est bas, l’ambiance chargée au moins comme l’est mon esprit au moment où je découvre, incrédule, ce que mes yeux me donnent à voir. Un environnement par définition inconnu, incroyablement lumineux depuis qu’un rayon de soleil a transpercé la masse de nuages au-dessus de ma tête. Je ne sais pas où je suis, ni vers qui je dois me diriger. Si tant est qu’il faille que je me dirige vers quelqu’un puisque, pour le moment, personne n’est là. Je me rends soudain compte que je suis perché à une altitude conséquente, surpris par une rafale de vent qui manque de me déséquilibrer. Les mains à terre, je réalise que je suis en fait dans une époque lointaine, très lointaine.

Là, un groupe d’individus. Instinctivement, je me réfugie derrière une sorte de rocher, mon souffle est coupé. Pourquoi devrais-je craindre ces gens ? Au vu de leurs tenues – des fourrures bien fournies, des armes fabriquées artisanalement, et de leurs manières de se tenir, de marcher… . Des siècles et des siècles nous séparent, des millénaires même ! Ils s’expriment entre eux dans une langue qui me laisse pantois, s’interpellent, sourient et s’arrêtent brusquement, comme si un bruit était venu heurter leur récréation. Je ferme les yeux priant pour ne pas croiser leurs regards. « Des Ligures… », voilà ce que je me répète sans cesse : je suis tombé à l’époque des Ligures, vaste peuple pré-indo-européen originaire de l’Est et qui vivait sans doute en Maurienne à partir de… 3000 avant notre ère.

Antecessor Illustris, littéralement illustre prédécesseur en latin. Je sais que c’est ridicule et je ne sais même pas pourquoi ce nom me vient en tête mais c’est comme ça que je nomme celui qui pourrait, qui doit forcément être mon ancêtre. Le silence semble les avoir rassurés et je me comporte comme si je traquais une bête. En réalité, c’est plus moi qui me sens traqué comme une bête. Au fond, la différence amène inéluctablement à la méfiance et aux préjugés, c’est bien dommage. L’instinct joue parfois des tours étonnants. Je reprends progressivement le contrôle de mes émotions, observe la scène qui se déroule sous mes yeux. La pluie s’en mêle et je suis à la fois rassuré et gêné d’assister à une scène de tendresse entre celui que je considère comme étant le père et celui que j’estime être le fils. Quand je parle de tendresse, je fais référence à une tape sur l’épaule accompagné d’un large sourire. Le petit groupe sait de quoi sera constitué le repas ce soir.

À quoi bon cette rencontre ? Je ne peux ni communiquer, ni me montrer mais je tiens pourtant à rester. Comme si tout cela avait un sens. Car au fond la signification d’un évènement est propre à celui ou celle qui la cherche, qui la traque et qui la trouve. Ces ancêtres illustres dont nous descendons tous, qui n’ont de primitif que l’année de naissance sur Terre, vivent toujours en nous d’une certaine manière. Leurs expériences se sont transmises, de génération en génération, et la chaîne reconstitue à elle seule toute l’histoire de l’humanité. Tout ça pour dire que même de la plus profonde ignorance, nos ancêtres les plus lointains se montrent à nous parfois au détour d’une émotion ou d’une rencontre.

Les chercher n’est pas une quête vaine, pas plus que de reconstituer la vie de celles et ceux de nos ancêtres qui sont apparus dans des époques où les archives ont été conservées. Non, les chercher n’est pas une quête vaine car en les cherchant, c’est nous que nous trouvons. Car, enfin, comment voulez-vous que je romance cette rencontre ? Nous nous cachons derrière des archives et des bouts de papier pour raconter ce qu’a été la vie de nos ancêtres mais ces bouts de papiers suffisent-ils vraiment à dire ce qu’étaient leurs vies ? Pas nécessairement. C’est un peu le sens de ce #RDVAncestral, n’oublions jamais qu’au-delà des heures incalculables de recherches, des archives innombrables dénichées, épluchées et déchiffrées, la vie de nos ancêtres est d’abord et avant tout ce que nous en faisons.


Si la vie des Ligures reste une énigme, quelques fragments nous sont parvenus, notamment depuis la découverte d’Ötzi, au début des années 1990 dans le val de Senales (Italie), qui a nourri l’imaginaire et la soif de vérité de nombreux chercheurs et scientifiques. Poussons même le délire à l’incroyable : la tentative de reconstituer la voix d’Ötzi…